martedì 17 marzo 2009

Prigioni invisibili?

ÉTATS-UNIS • Terrorisme : le traitement des prisonniers en question Au lendemain de son enquête révélant l’existence en Europe de prisons secrètes où la CIA envoie des terroristes présumés, The Washington Post revient sur le problème plus vaste du non-droit qui entoure les prisonniers depuis 2001.
Dessin de Patrick Chappatte
Le mois dernier, un prisonnier de la base militaire de Guantanamo Bay a brusquement interrompu un entretien avec son avocat pour regagner une cellule où il s’est tailladé un bras et s’est pendu. Cette tentative de suicide désespérée d’un prisonnier incarcéré depuis quatre ans – sans inculpation formelle, sans procès et sans la moindre perspective réelle de libération – n’est pas un cas isolé. Au moins 131 prisonniers de Guantanamo ont entamé une grève de la faim le 8 août dernier pour protester contre leur détention indéfinie, et plus d’une vingtaine sont encore actuellement alimentés de force afin d’être maintenus en vie. Rien d’étonnant à ce que le ministre de la Défense américain, Donald H. Rumsfeld, ait refusé de laisser les enquêteurs de la Commission des droits de l’homme de l’ONU rencontrer les pensionnaires du camp de Guantanamo Bay. Leurs témoignages ne feraient sans aucun doute qu’aggraver le discrédit que le traitement des prisonniers étrangers hors de tout cadre juridique a d’ores et déjà jeté sur les Etats-Unis. Guantanamo n’est pourtant pas le problème le plus grave. Comme le révélait Dana Priest dans l’enquête du Washington Post parue le 2 novembre, la CIA a son propre réseau de prisons secrètes, où une centaine ou plus de terroristes présumés ont “disparu”, comme s’ils avaient été engloutis par une dictature du tiers-monde. Une trentaine de prisonniers parmi les plus importants sont gardés dans des lieux de détention clandestins établis dans plusieurs pays d’Europe de l’Est – ce qui devrait faire honte à des gouvernements démocratiques qui n’ont démantelé que très récemment les appareils de la police secrète hérités de l’époque soviétique. Incarcérés dans des cachots sombres en sous-sol, les prisonniers n’y bénéficient d’aucun droit, ne peuvent recevoir aucune visite hormis celles des agents de la CIA, et personne n’a aucun moyen de contrôler la façon dont ils sont traités, pas même le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le président Bush a autorisé les personnes chargées de les interroger à soumettre ces hommes à des traitements “cruels, inhumains et dégradants” – traitements illégaux aux Etats-Unis (car strictement interdits par un traité ratifié par le Sénat). Les Etats qui tolèrent la présence sur leur territoire de prisons de la CIA enfreignent ce traité international, voire leurs propres lois. Cette situation ignominieuse provient directement de la décision de M. Bush, en février 2002, de ne plus tenir compte ni des conventions de Genève ni des réglementations américaines en vigueur sur le traitement des détenus. Conformément aux conventions de Genève, les militants d’Al-Qaida auraient pu se voir refuser le statut de prisonniers de guerre et être condamnés à une détention à durée indéterminée ; ils auraient pu être interrogés et jugés soit par des tribunaux américains, soit par une cour martiale. Mais, dans le même temps, les accords de Genève les auraient prémunis de la torture et d’autres traitements cruels. Si M. Bush avait pris cette option, les scandales qui ont éclaté à la suite des abus à Guantanamo Bay comme en Afghanistan et en Irak – et le grave préjudice qu’ils ont causé aux Etats-Unis – auraient pu être évités. Les principaux acteurs des attentats du 11 septembre 2001, comme Khalild Cheik Mohammed et Ramzi Binalshibh, auraient pu être jugés et leurs crimes dénoncés à la face du monde. Au lieu de quoi, depuis quatre ans, pas un seul dirigeant d’Al-Qaida n’a été traduit en justice. Le système d’auditions du Pentagone sur le statut des détenus de Guantanamo – qui n’a été introduit qu’après une décision unanime de la Cour suprême – ne peut en aucune façon résoudre le statut à long terme de la plupart des détenus. La CIA n’a strictement rien prévu au sujet du sort à long terme de ses prisonniers clandestins, que l’un des responsables de l’agence qualifiait d’“atroce fardeau”. Depuis quelque temps, cette politique désastreuse soulève un vent de révolte au gouvernement comme au Sénat. A la tête de cette rébellion, des sénateurs comme le républicain John McCain (Arizona) et les militaires et personnalités du département d’Etat qui s’étaient dès le début opposés à la décision de M. Bush de passer outre aux accords de Genève. En face d’eux, un petit groupe de politiques civils nommés par le pouvoir qui serrent les rangs autour de M. Rumsfeld et du vice-président Cheney. Selon une enquête du New York Times, les militaires de métier souhaitent réintégrer à la doctrine officielle du Pentagone les mesures de protection prévues par les accords de Genève contre les traitements cruels. M. McCain s’efforce de faire interdire toute forme de traitement “cruel, inhumain et dégradant” pour tous les prisonniers détenus par les Etats-Unis, y compris ceux des prisons secrètes de la CIA. C’est là la question la plus importante sur laquelle doivent aujourd’hui trancher le pays et le Congrès. Mais, étrangement, les apôtres du respect de la personne humaine et du bon sens ne semblent bénéficier que d’un soutien très frileux de la part des démocrates. Le 2 novembre, les démocrates du Sénat ont exécuté une de ces pirouettes dont ils sont le secret pour rouvrir l’éternel débat sur ce que les services de renseignements savaient avant la guerre en Irak. Ils se sont toutefois bien gardés de prendre aussi fermement position sur les abus perpétrés par la CIA à l’encontre des prisonniers étrangers. Lors d’une conférence réunie pour étudier l’amendement proposé par M. McCain, le soutien démocrate a été pour le moins hésitant. Et, pendant que les démocrates relancent avec tambour et trompettes un débat sur la guerre vieux de trois ans, les champions de la torture au sein de l’administration Bush œuvrent discrètement pour maintenir une politique qu’il serait urgent d’inverser. The Washington Post

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