martedì 22 settembre 2009

Les intellectuels catholiques


Les intellectuels catholiques en quête de visibilité

Mardi 22 septembre est présentée l’Académie catholique de France qui tiendra son congrès inaugural le 23 octobre

C’est au Collège des Bernardins que Benoît XVI s’est adressé au monde de la culture. C’est dans ce même lieu que siègera la nouvelle Académie catholique.

L’initiative pourrait prêter à sourire : lancer une instance qui se revendique tout à la fois académique et catholique ! À l’heure où l’Église semble particulièrement discréditée, et où tout ce qui relève tant soit peu de l’institution fait peur, c’est pour le moins, comme le dit Nathalie Nabert, « courageux ».

Pourtant, au regard des personnalités impliquées dans l’« Académie catholique de France » présentée mardi 22 septembre, du philosophe Rémi Brague au journaliste et essayiste Jean-Claude Guillebaud en passant par le P. Jean-Robert Armogathe et Mgr Joseph Doré, au vu aussi des institutions qui soutiennent (les huit facultés de théologie catholiques, l’École biblique de Jérusalem, des revues…), l’affaire est sérieuse : en 2009, ceux qui réfléchissent et se disent catholiques éprouvent le besoin de se retrouver, et de mieux afficher leur identité.

La disparition de René Rémond semblait avoir signé symboliquement la fin de « l’intellectuel catholique ». De ces catholiques qui, après guerre, pouvaient prendre leur plume pour s’opposer avec retentissement à la torture durant la guerre d’Algérie. De ceux qui se retrouvaient au Centre catholique des intellectuels français (CCIF), espace de discussion important, jusque dans les années 1975.

Un modèle de catholique engagé dans la République, que l’ancien président de la Fondation nationale des sciences politiques incarnait à merveille, assurant, note l’historien Denis Pelletier, « une triple médiation » : entre l’Église, où il était respecté, le monde des laïcs catholiques, dont il faisait partie, et la société sécularisée, où l’on reconnaissait sa compétence.
Cette figure d’intellectuel semblait sans héritier

Cette figure d’intellectuel semblait sans héritier. Dans les années 1990, le quotidien Le Monde titrait sur « le silence des intellectuels catholiques », silence dont René Rémond lui-même était le premier à se désoler, en 2000 (1), s’inquiétant de la disparition de la pensée chrétienne dans le débat public.

L’Académie catholique de France se lance donc pour relever le gant. À sa manière. Pas question, précise l’un des fondateurs, le philosophe et prêtre Philippe Capelle, de faire du « lobbying » : il n’y aura ni pétitions, ni prises de position sur chaque événement d’actualité. Ce qui est visé, c’est moins l’engagement que l’expertise. En créant une Académie, le modèle est clairement celui de l’Allemagne, où dialoguent ainsi des philosophes, des théologiens et des scientifiques. Les promoteurs de l’Académie ont aussi vraisemblablement en tête l’Italie, où le catholicisme reste une composante importante du débat d’idées, avec une grande diversité de points de vue.

Car en France aussi on serait aujourd’hui bien en peine de dessiner le portrait-robot de l’intellectuel catholique, ou de les regrouper tous derrière une même bannière, tant les appartenances sont variées.

Avec cette Académie, il s’agit justement de faire dialoguer des gens de tous horizons, avec des savoirs de diverses matières, remarque le biologiste Edgardo Carosella, chercheur à l’hôpital Saint-Louis : « Nous-mêmes sommes rarement confrontés à d’autres expertises. » Il ne s’agit pas d’être un intellectuel au sens où on l’entend depuis l’affaire Dreyfus, à savoir, explique Rémi Brague, « celui qui excipe de sa compétence scientifique pour revendiquer une autorité morale ».

Reste un minimum, poursuit le philosophe : « Un expert, qui l’est toujours dans un domaine très limité du savoir, et qui a le devoir d’éclairer les autres sur ce domaine, spécialement quand une vulgate médiatique contient des erreurs ou des demi-vérités. »
"Nous vivons une époque où il est important de se situer"

Dès lors, pourquoi regrouper cette expertise derrière le label « catholique » ? L’Académie, assure le P. Philippe Capelle, sera évidemment ouverte aux hommes d’autres religions et aux non-croyants. « En même temps, affirme-t-il, nous vivons une époque où il est important de se situer, de savoir d’où nous parlons. » Le besoin de plus grande visibilité est cité par tous les participants : « À force d’être seuls sur notre île, on se dilue », note avec humour Nathalie Nabert.

Même si on les entendait moins, les intellectuels catholiques n’ont pas disparu. Il existe une production intellectuelle de qualité, aussi bien dans les universités que dans les revues, et ceux qui la font veulent le faire savoir, « en dehors de l’image d’intolérance qui leur colle à la peau », ajoute celle qui fut doyen de la faculté des lettres de la Catho de Paris.

En 2004, dans la revue Esprit, déjà, Philippe Capelle et Henri-Jérôme Gagey demandaient que l’on fasse droit à une tradition catholique de rencontre entre la foi et la raison. Enfin, la nécessité d’une parole de laïcs est aussi mise en avant : depuis quelques années, l’opinion publique a tendance à confondre l’Église avec le clergé. « Nous voulons ainsi favoriser l’émergence de laïcs intellectuels, sortir d’une certaine langue de buis, du ghetto où les catholiques se sont volontairement enfermés », complète Rémi Brague.

Ce ne sera pas avant trois ou quatre ans, au vu de ses productions, que l’on pourra juger de la pertinence et de la pérennité de cette Académie. On retiendra cependant que la toute nouvelle institution a voté ses statuts en janvier 2009 : en pleine affaire Williamson, à un moment où, justement, le besoin d’une voix à la fois authentique et compétente se faisait singulièrement sentir.

Isabelle DE GAULMYN

(1) Dans Le Christianisme en accusation (Desclée de Brouwer)

21/09/2009 18:52
Cinq membres du nouveau corps académique

«Réconcilier en France la philosophie et la théologie, c’est un long combat », explique ce prêtre de 55 ans, docteur dans l’une et l’autre discipline. Professeur des universités – « Il est important de montrer que des clercs peuvent aussi enseigner dans des universités publiques », précise-t-il –, Philippe Capelle enseigne à l’université de Strasbourg, après avoir dirigé de 1994 à 2006 la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Paris, dont il est aujourd’hui doyen honoraire.

Grand connaisseur de la pensée de Martin Heidegger, il a publié une vingtaine d’ouvrages et assure la direction de deux collections, « Philosophie & Théologie » (Cerf) et « Collection de métaphysique – Chaire Étienne-Gilson » (PUF). Passionné par la réconciliation entre foi et raison, c’est lui qui porte, depuis le début, le projet de l’Académie catholique de France.
Thierry Escaich, un organiste auteur d’une soixantaine d’œuvres

A 44 ans, Thierry Escaich est l’un des compositeurs français les plus brillants et prometteurs de sa génération. Après des études au Conservatoire supérieur de Paris (il a obtenu huit premiers prix), il y enseigne depuis 1992 l’écriture et l’improvisation, tout en étant titulaire de l’orgue de Saint-Étienne-du-Mont à Paris (succédant à Maurice Duruflé) et poursuivant une carrière internationale d’organiste et de compositeur.

Tenant d’une musique modale (ni tonale, ni sérielle), Thierry Escaich est l’auteur d’une soixantaine d’œuvres d’un expressionnisme exalté, souvent comparé à une houle bouillonnante et tourmentée : pour orchestre symphonique (Le Chant des ténèbres), pour trompette et orgue ou pour piano, ainsi que d’œuvres vocales (comme l’oratorio Le Dernier Évangile) et de pièces de musique de chambre.
Rémi Brague, changer l’image de l’intellectuel catholique

«D’abord, cela m’a flatté d’être de cette Académie… Ensuite, il est toujours agréable de pouvoir rencontrer des gens d’autres domaines et d’échanger. Enfin, j’ai eu l’impression que cela pouvait m’aider à témoigner de ma foi », explique cet universitaire (Paris-Sorbonne) de 62 ans, spécialiste de la philosophie médiévale.

Rémi Brague, qui enseigne aussi à l’université de Munich, dit « rêver » du modèle allemand. Rétif à se définir comme engagé, il commence par comparer l’intellectuel catholique au plombier catholique, à savoir « un professionnel qui est catholique ».

Pour autant, il souhaite « changer l’image, encore répandue, selon laquelle un catholique, lorsqu’il s’agit d’un écrivain, d’un philosophe, d’un savant, le serait malgré sa foi ». Spécialiste des philosophies médiévales arabe et juive, il est également très bon connaisseur de la philosophie grecque.
Pierre Manent, une réflexion sur la genèse de la philosophie politique moderne

Normalien et agrégé de philosophie, Pierre Manent, 60 ans, est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) : son séminaire porte sur « les formes politiques » (tribu, cité, empire, nation, cosmopolis) et l’avènement des régimes politiques (oligarchie, démocratie, tyrannie…). Sa réflexion tourne essentiellement autour de la genèse de la philosophie politique moderne – contribuant à la redécouverte de textes libéraux de Benjamin Constant ou Alexis de Tocqueville – et de la place du fait politique dans l’expérience humaine.

Dans La Raison des nations (Gallimard, 2006), publié après le « non » français au référendum sur la Constitution européenne, il s’interrogeait sur l’avenir de la construction européenne. Pierre Manent enseigne aussi au Centre de recherches politiques Raymond-Aron et au Boston College (Massachusetts).
Nathalie Nabert, créativité et ouverture de l’Académie

C’est d’abord comme poète que cette médiéviste, spécialiste des chartreux et doyen honoraire de la Faculté des lettres de la Catho de Paris, a accepté de faire partie de l’Académie catholique de France. Nathalie Nabert est pour l’instant la seule femme sur les 25 membres du « corps académique » de la nouvelle institution.

Elle y voit l’occasion à la fois de faire œuvre de transmission d’un patrimoine chrétien, mais aussi d’ouverture et de créativité : « C’est ainsi que je vis l’exigence scientifique, une garantie de liberté : dans notre Académie, on ne porte pas le même costume ! »

Pour elle, il est important aussi de pouvoir se retrouver autour de cette expérience de vie qu’est la foi catholique. Nathalie Nabert, qui dirige le Centre de recherche de spiritualité cartusienne, a obtenu le prix des écrivains croyants en 2005 pour son ouvrage Liturgie intérieure, reprenant les méditations qu’elle avait confiées à La Croix (Éd. Ad Solem).

Isabelle DE GAULMYN et Claire LESEGRETAIN

21-09-2009
Liste des membres de la nouvelle Académie catholique de France

L’Académie catholique de France est composée de deux instances. Son corps académique comprend à ce jour 25 personnalités de différentes disciplines scientifiques, philosophiques théologiques, artistiques et juridiques, dont l’œuvre est reconnue. À terme, il devrait atteindre 70 membres. Les candidats sont soumis au vote des membres par un conseil académique.

Père Prof. Jean-Robert Armogathe, Ecole pratique des hautes études, Historien des idées

Père Prof. Olivier Artus, Institut catholique de Paris, Commission biblique pontificale, Théologien bibliste

Prof. Rémi Brague, Universités de Paris-I et de Munich, Philosophe

Père Prof. Philippe Capelle-Dumont, Doyen honoraire, Institut catholique de Paris, Philosophe, Théologien

Dr Edgardo D Carosella, Hôpital Saint-Louis, Université de Paris VII, Académie des sciences, Biologiste

Maître Jean-Luc Chartier, Avocat à la cour

Mgr Prof. Claude Dagens, de l’Académie française, Évêque d’Angoulême, Théologien

Mgr Prof. Joseph Doré, Archevêque émérite de Strasbourg, Théologien

M. Eric Dessert, Photographe

Prof. Jean-Dominique Durand, Université de Lyon, Conseil pontifical pour la culture,

M. Thierry Escaich, Musicien compositeur

M. Roger Garin, Artiste peintre

Mgr Maurice de Germiny, Évêque de Blois, «Observatoire Foi et culture», Conférence des évêques de France

M. Jean-Claude Guillebaud, Essayiste, Journaliste, Directeur littéraire

Prof. Francis Jacques, Université de Paris III Sorbonne, Philosophe, Théologien

Prof. Jean-Michel Lemoyne des Forges, Université Paris-ll juriste

Prof. Xavier Le Pichon, Collège de France, Géodynamicien

R.P. Prof Jean-Michel Maldamé op, Doyen honoraire, Institut catholique de Toulouse, Académie pontificale des sciences, Théologien

Prof. Pierre Manent, Ecole des hautes études en sciences Sociales, Philosophe

Prof. Michel Morange, Ecole normale supérieure et Université de Paris-VI, Biologiste

Pro. Nathalie Nabert, en honoraire, Institut catholique de Paris, Etudes cartusiennes, Littérature

M. Dominique Ponnau, Conservateur général du Patrimoine, Directeur honoraire de l'Ecole du Louvre

Prof. François Terré, Université Paris-II, Président honoraire de/Académie des sciences morales et politiques, juriste

M. Henri Tincq Journaliste, Essayiste

M. Alain Vircondelet, Ecrivain

L'Académie catholique de France comprend également une association d’adhérents, réunissant les institutions et personnes qui le désirent, « dont la production témoigne d’un attachement à la tradition intellectuelle du catholicisme ainsi qu’à son actualisation ». Ils sont aujourd’hui au nombre de 80, dont 18 institutions.
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Les Académies catholiques sont des institutions reconnues dans le paysage intellectuel allemand

Pour comprendre le rôle d’une Académie catholique en Allemagne, un exemple suffit. En 2004, le philosophe Jürgen Habermas et le cardinal théologien Joseph Ratzinger sont venus ensemble à la tribune de l’Académie catholique de Bavière, à Munich, débattre de la place des religions dans les sociétés sécularisées. Cette discussion, contradictoire mais féconde, entre le philosophe et le futur pape fit parler d’elle jusqu’à Paris. C’est tout dire…

Créées par des diocèses au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une société anéantie par les années nazies, les Académies se sont donné pour tâche de faire dialoguer Église et société. « Nous faisons entendre les questions de l’Église dans la société et les questions de la société dans l’Église », résume Thomas Sternberg, directeur de l’Académie de Münster.

Dès l’origine, elles se sont ouvertes aux questions politiques et sociales. « Il fallait initier les jeunes à la démocratie, nous avons mis en place une formation de deux ans qui a beaucoup compté dans le recrutement politique : presque tous les hommes politiques de notre Land l’ont suivie », signale le directeur, lui-même député CDU à Düsseldorf.
Renouvellement théologique des années 1950

Du côté de l’Église, la genèse des Académies a été marquée par le renouvellement théologique des années 1950, qui prépara Vatican II. « Nous sortions d’une période d’antimodernisme, où l’Église s’était repliée en ghetto sur ses hôpitaux, écoles et associations, rappelle Stephan Loos, directeur de l’Académie de Hambourg. Le projet de l’Académie va dans le sens inverse, celui d’une ouverture à la vérité qui se trouve aussi à l’extérieur de l’Église. » En Allemagne, les Académies porteront ainsi l’esprit du Concile et l’engagement des laïcs.

Aujourd’hui, chaque diocèse a son Académie catholique dont, parmi les plus prestigieuses, celles de Rottenburg-Stuttgart (la plus ancienne, fondée en 1953), Mayence, Fribourg et Münster. Malgré de nettes différences de ressources, chacune fonctionne sur le même modèle. Une équipe d’intellectuels, permanents salariés du diocèse, prépare les programmes, cycles de conférence, expositions… « Nous invitons des personnes très différentes, nous cherchons à être en contact avec les têtes pensantes, les Académies d’État, les universités, les cercles athées », explique Peter Reifenberg, directeur de l’Académie de Mayence et président du cercle des Académies catholiques allemandes.

« L’Académie n’est pas une fortification, mais une maison très ouverte », résume-t-il. Beaucoup développent une dominante : le dialogue islamo-chrétien pour Rottenburg-Stuttgart, les arts à Münster, tandis que Trèves, Berlin ou Brême sont très engagées sur les questions sociales, avec une forte coloration politique.
Liberté intellectuelle

Relevant clairement de l’Église, ces Académies revendiquent tout autant leur liberté intellectuelle. « Nous sommes situés comme chrétiens dans l’Église catholique. À partir de là, nous pouvons nous distancier des formes très officielles du discours ecclésial, commente Peter Reifenberg. Nous avons une grande liberté et la confiance des évêques pour avoir des positions plus ouvertes, plus libérales. » Cette liberté peut aussi s’exercer en interne. « Notre Académie fut la première à s’élever contre la levée de l’excommunication des évêques intégristes », rappelle Stephan Loos à Hambourg.

Si les Académies catholiques ont su trouver leur public – 50 000 participants par an pour celle de Mayence –, elles doivent faire face à la sécularisation. « Autrefois, nous pouvions nous adosser sur un milieu chrétien. Aujourd’hui, la société est plus sécularisée et plus diversifiée », analyse Thomas Sternberg. Pour autant, le projet de l’Académie, « la rencontre des personnes et des disciplines », lui paraît plus essentiel que jamais.

ÉLODIE MAUROT
www.lacroix.com

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