domenica 30 maggio 2010

Noam Chomsky

Ici, une étudiante coréenne discute politique avec deux amies espagnoles, comme elle passionnées de philosophie. Là, une poignée de curieux, qui viennent juste de faire connaissance, se chamaillent déjà sur le niveau des émissions de France Culture.

Un peu plus loin, une jeune militante du Parti socialiste prend son mal en patience, adossée à la statue de Claude Bernard qui trône devant le Collège de France, à Paris. Celui-ci affichant complet, vendredi 29 mai, en milieu d'après-midi, tous désespèrent de ne pouvoir écouter Noam Chomsky, 81 ans, linguiste de renommée mondiale et figure de la gauche radicale américaine. "Je suis bien embêtée, soupire Azza El Hamadi, professeur d'anglais dans un lycée de Meaux (Seine-et-Marne). Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, et je voulais m'offrir ce cadeau, voir Chomsky en chair et en os ! A mes yeux, il est le dernier intellectuel intègre."

La veille, jeudi, le célèbre intellectuel est arrivé à Paris pour une visite de quatre jours en forme de marathon, soigneusement préparée par des universitaires, des journalistes et/ou des militants. Au programme : une conférence au CNRS, un meeting à la Mutualité (sous l'égide du Monde diplomatique), une émission de radio, une autre à la télévision, le tout encadré, donc, par deux interventions au Collège de France. La première d'entre elles est venue conclure un colloque intitulé "Rationalité, vérité et démocratie : Bertrand Russell, George Orwell, Noam Chomsky", organisé par le philosophe Jacques Bouveresse. La réunion visait d'abord à honorer un certain idéal rationnel issu des Lumières : dénonçant les pensées relativistes, cette tradition affirme la puissance subversive de la vérité face à tous les pouvoirs.

Dès le milieu de la matinée, les débats étaient riches, l'ambiance bon enfant. Du reste, les 420 places du grand amphithéâtre se trouvaient déjà assez remplies. Si bien que les agents de la société DMH sécurité, spécialement recrutés pour l'occasion, ont fermé les grilles du Collège de France à l'aide d'une grosse chaîne. "Nous avons des consignes, c'est tout", ont-ils répondu à ceux qui manifestaient leur perplexité à travers les barreaux. Ainsi, au moment où la star américaine s'apprêtait à prendre la parole, cela faisait déjà plusieurs heures que l'accès était devenu impossible. Quelques dizaines de personnes se sont retrouvées bloquées devant la vénérable institution où "l'entrée libre" est une longue tradition.

Conférence cadenassée

Ce désarroi s'est bientôt mué en colère, lorsqu'une dame est parvenue à s'extraire du Collège de France en confiant : "J'ai demandé à sortir parce que je ne comprends pas l'anglais. D'ailleurs, je ne comprends pas non plus pourquoi ils ont fermé les portes, vu qu'il reste pas mal de places dans l'amphithéâtre !" Comment expliquer que la conférence d'un penseur anarchiste se trouve ainsi cadenassée ? C'est la question que se posait un étudiant en mathématiques. A deux pas de lui, et dans la plus pure tradition chomskienne, un petit groupe papotait en essayant de conjuguer philosophie et politique. Parmi eux, Ange Ze, ingénieur de 28 ans venu de Lille, proposait cette réflexion : "Si tout est politique, si le simple fait que nous discutions ensemble, ici, est politique, alors la question est : pourquoi la porte est-elle fermée, là, et comment faire pour qu'elle soit ouverte ?"

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